Théorie de l’attachement

Le bébé dès sa naissance ne peut réguler seul avec ses propres ressources, ses émotions négatives. Il va donc utiliser, en quelque sorte, les capacités de protection du parent pour répondre à sa détresse. L’objectif du système motivationnel de l’attachement est la réduction du stress trop intense du bébé et la réinstallation d’un sentiment de sécurité ce qui est généralement obtenu pendant la toute petite enfance, par un contact physique proche avec un ou des caregivers familiers. Ce système actif tout au long de la vie, concerne autant l’adulte que le nourrisson, il n’est activé qu’en situation de stress et il devient prioritaire sur les autres, lorsque l’attachement du sujet est intensément activé. Ce système est contextuel dans la mesure où il est à la fois intérieur à nous même en proie avec des émotions négatives, et environnementales, quand la situation l’induit. Chez celui qui va accompagner et aider, la vulnérabilité et la détresse de l’autre stimule l’envie de protéger et de réconforter. Les marqueurs importants sont la disponibilité, la sensibilité parentale et la réponse rapide et adéquate aux signaux de détresse. L’état mental du parent qui se trouve alors ouvert à la communication et aux émotions permet de contenir ces émotions désagréables et de les rendre supportable à l’enfant.L4experience interpersonnelle que vit le bébé où son expérience est partagée, contenue et soulagée, lui permet de revenir à un état de sécurité et de rester organisé car on lui a fourni une solution. Les émotions négatives gardent la même valeur « signal » que les autres, elles restent pertinentes car validées par la réponse de la figure d’attachement, cela dans une interaction dyadique. A force de généraliser ces procédures action-réponse, l’enfant va organiser des représentations non accessibles à la conscience, tout au long de sa vie, de façon automatique : ce sont les modèles internes opérants. Ils sont activés dès que le contexte et le besoin de protection et de réconfort est pertinent. Ils renvoient à la manière habituelle dont les autres répondent à notre détresse. Dans le cas où l’environnement ne répond pas à la situation de détresse, l’enfant fera seul sa régulation émotionnelle au prix de son développement optimum car sa dépendance fait qu’il n’aura pas d’autre choix que de s’adapter pour survivre. L’enfant met alors en place des stratégies pour survivre qui vont lui éviter de se confronter à une situation impossible .Moins la FA aura été adéquate dans la régulation des émotions négatives de l’enfant, plus ces émotions risquent de s’exprimer aussi quand il n’y aura pas eu satisfaction des besoins d’attachement. L’expression de nos stratégies d’attachement va s’exprimer dans nos pensées conscientes mais aussi dans nos attitudes automatiques.

 

Une application particulière de la logothérapie : avec des enfants

Dans mon parcours personnel et professionnel, j’ai exploré quelques disciplines toujours centrées sur mon désir de mieux comprendre l’enfant dans toutes ses dimensions : la philosophie, la pédagogie, la psychologie du développement, la gestion mentale et la logothérapie. Loin de m’éloigner du monde de l’enfant, j’ai trouvé dans cette dernière, une anthropologie et une psychologie intégrative de tout ce que j’ai appris et qui m’a façonné jusque-là.

Tous ces apprentissages se rejoignent dans cette philosophie holistique, dans laquelle l’homme dès son plus jeune âge, est responsable, et porte en lui des ressources et des potentialités nécessaires à son développement et à son épanouissement physique, psychique et noétique.

Il n’ y a pas à proprement parlé de méthode spécifique pour travailler avec les enfants, dans les écrits de Frankl, il nous appartient de composer avec notre propre personnalité et notre « boite à outils »bien remplie, afin de s’adapter à chaque cas particulier. En effet, nulle méthode n’est considérée comme immuable, tout est en mouvement, tout est continuellement améliorable. Une méthode est très liée à la situation présente et au caractère unique du thérapeute. C’est à chacun de se forger sa propre méthode en fonction des outils qu’il a accumulé jusqu’ à lors. En logothérapie, on ne travaille pas seulement avec un patient ou avec une méthode, mais avec tous les ingrédients d’une situation concrète et tout l’environnement.

Au regard des 10 thèses de la personne de Frankl, on comprend que l’enfant peut être tout à fait pris en charge dans un accompagnement logothérapeutique :

En effet, Frankl postule en premier lieu que l’homme est une unité indivisible : il n’y a donc pas de début ni de fin ; cela commence avec le nourrisson et n’a de cesse de se développer. On ne décompose pas l’homme en fonction des âges.

Puis l’homme est une totalité qui ne peut se fondre ni se confondre dans une catégorie.

L’homme est une nouveauté absolue : chaque enfant qui arrive à une existence spirituelle qui lui est propre et qu’il nous appartient de découvrir afin de bien l’accompagner pour ce qu’il est vraiment.

L’enfant a une dignité spirituelle au même titre que l’adulte : si son psycho-physique est détruit, il reste une personne à part entière dans sa dimension noétique.

L’enfant est une personne existentielle, c’est-à-dire que malgré le déterminisme qui existe pour une part, il ne reste pas prisonnier de sa facticité.

Contrairement à la vision freudienne de l’homme, l’enfant est aussi un « je » et pas seulement un « ça » déterminé par ses pulsions. Dès son plus jeune âge, l’enfant est capable de décider de petites choses et d’utiliser son libre arbitre.

La personne est la fondation de l’unité et de la totalité dans laquelle elle est.

Elle est capable très jeune de sortir de soi pour s’auto-distancier.

La logothérapie considère l’enfant comme une personne à part entière avec ses 3 dimensions. La position du logothérapeute, ni supérieure ni inferieure, qui regarde avec l’enfant dans la direction du monde extérieur, favorise les interactions.

En amont de « l’intention paradoxale » et de la « déréflexion, » qui demandent quand même une certaine maturité car elle font appel à l’auto-transcendance et à l’auto-distanciation de la personne, toutes les formes de jeu peuvent être utilisées en logothérapie.

Jouer peut avoir plusieurs buts ; jouer pour créer l’alliance, pour poser un diagnostique, pour développer des valeurs, pour renforcer l’insight ou pour apprendre les limites.

Par exemple, comment peut-on révéler les valeurs d’un enfant ?

Un enfant qui ne connait pas de valeurs ne connait pas non plus sa propre valeur et réciproquement : sans estime de soi, on peine à s’approcher des valeurs ; Quand on enlève les valeurs, la motivation d’agir et de s’investir disparait et inversement quand l’enfant découvre un but lié à une valeur, les énergies viennent toutes seules.

 

Les valeurs de vécu sont liées à des expériences émotionnelles (qui se laissent toucher par le monde). Ce que j’ai appris ou reçu de la vie, qui m’est propre. Il est impossible de chercher à prescrire ces valeurs, c’est la personne elle-même qui doit les trouver dans de petites choses concrètes grâce à ses sens.

L’enfant est tout à fait capable de savourer un bon moment, d’apprécier un coucher de soleil ou un moment de tendresse et de consolation de sa mère. Au-delà du résultat les enfants ont beaucoup de facilité à vivre ces valeurs de vécu. Admirer un cadre naturel magnifique, partager un gouter…. Pour les mettre en lumière, la technique du photolangage me semble particulièrement bien convenir ou encore leur demander de trouver 3 exemples de petites expériences vécues pour découvrir ce qui enrichit la vie.

 

Les valeurs créatrices, se traduisent par un fort sentiment de satisfaction. Il s’agit de ce que je crée, que je donne à la vie : la générosité, le service. Elles sont considérées comme des valeurs plus hautes car on donne quelque chose au monde. L’enfant peut très jeune concrétiser une valeur créatrice et se sentir fier de sa production. Les valeurs de créativité renvoient à notre vitalité.

Je reçois un petit garçon de 6 ans qui ne trouvait pas sa place dans la fratrie et dont les valeurs n’étaient pas du tout conscientisées. Parmi les domaines qui l’intéressaient, il me cite la cuisine mais qu’il n’avait jamais l’occasion de faire. En effet, ses parents ne cuisinaient que très peu mais son papa raffolait des desserts. Je lui proposais donc 2 choses :

La première était de réaliser ensemble un gâteau qu’il pouvait ramener chez lui

La seconde était de lui apprendre la recette afin qu’il soit complètement libre de le refaire chez lui sans solliciter une aide extérieure.

Son sourire de fierté et de satisfaction quand son papa revint le chercher me confirma l’importance de la valeur de création dès le plus jeune âge. Quand nous sommes capables d’apprécier une valeur de créativité, cela devient une valeur de vécu : voilà pourquoi ces deux catégories sont extrêmement liées et cela dès l’enfance. Dans cet exemple précis, le père a savouré un bon gâteau (valeur de vécu,) et le fils a réalisé une valeur créatrice.

Les valeurs d’attitude, (homo patiens) : concerne la position de l’homme face à la souffrance ou à une situation sans issue. C’est bien entendu, la plus haute valeur chez Frankl et c’est là que l’effort joue un rôle principal. Elle se développe plus tard que les deux premières, mais peut bien entendu, exister chez l’enfant en souffrance.

Elles sont les plus difficiles à acquérir et permettent de se ré approprier son destin et de ré investir son champs de responsabilité : qu’est-ce que je retiens de cet événement que la vie m’apprend et que je ne peux pas changer ? En effet, on ne choisit pas son destin mais l’attitude que l’on adopte face à lui. Comme le dit Frankl : « Lorsqu’on ne peut modifier une situation, on n’a pas d’autre choix que de se transformer. » Une maladie grave, mes parents divorcent…Quelle attitude l’enfant peut-il adopter qui témoignera de sa croissance personnelle ?

L’enfant peut apprendre tôt à repérer les forces qui sont en lui. N’allant plus chercher chez les autres ce qui lui manque, il devient autonome. Progressivement l’enfant découvre sa véritable identité et peut dire « je suis ». Si je travaille avec un enfant dont les parents se séparent, je vais d’abord tenir compte de son âge car jusqu’à 8 ans environ, il est indispensable de diriger l’enfant qui a besoin de l’adulte comme une boussole. Il a besoin d’être conseillé car il n’est pas capable seul, de se diriger et souvent ne verbalise pas cette douleur. Les images sont de puissants instruments par exemple : nous allons essayer ensemble de sortir de cette forêt très sombre. Les deux attitudes qui me semblent capitales à développer sont d’implanter l’optimisme et de déculpabiliser l’enfant qui va toujours penser qu’il a fait quelque chose qui ne fallait pas et/ou, qu’il peut faire quelque chose pour améliorer la situation.

Cette éducation aux valeurs permet aussi de toucher le thème central du renoncement dans l’éducation. L’enfant peut choisir de renoncer à des valeurs moins importantes et à différer leur plaisir, ce qui deviendra une arme précieuse pour affronter la vie. À partir de 6 ans l’enfant peut renoncer même s’il ne comprend pas ce que cela lui apportera plus tard. Pour Frankl, le renoncement n’est pas quelque chose de raté, il a une forte valeur en soi.

La logothérapie offre un accompagnement riche et précieux pour les enfants, en englobant intégralement toutes les dimensions de l’enfant et en offrant un « sitting » très libre et propre à chaque situation. Et comme nous le rappelle Frankl : « Ce n’est jamais une question de technique, mais une question d’esprit avec lequel on procède ».

 

Camille de Barbuat

septembre 2014